L'obésité chez le chien : mécanismes et facteurs de risque

L'obésité chez le chien : mécanismes et facteurs de risque

Vendredi, Novembre 22, 2024

L'obésité est un problème de santé croissant chez les chiens, souvent sous-estimé par leurs humains. Plus qu'un simple excès de poids, elle représente un véritable déséquilibre qui impacte l'ensemble de l'organisme. Liée à une alimentation inadaptée, un manque d'activité, des comportements alimentaires inappropriés ou une pathologie sous-jacente, l'obésité peut réduit l'espérance de vie et elle est un facteur de risque pour de nombreuses maladies. Agir pour prévenir ou traiter ce problème est essentiel pour offrir à nos compagnons une vie plus longue et en meilleure santé. On considère un chien en surpoids lorsque son poids est 10% supérieur à son poids optimal (= 30% de masse grasse corporelle), et en obésité à partir de 20% (= 40% de masse grasse corporelle).

Le State of Pet Health Report, publié en 2017 par le réseau de cliniques vétérinaires Banfield aux États-Unis, a révélé des statistiques alarmantes sur l’obésité canine. Cette vaste étude, menée sur un échantillon de 2,5 millions de chiens, montre qu’un chien sur trois est obèse. Au cours des dix dernières années, le nombre de chiens en surpoids ou obèses a augmenté de 158 %. En France, une étude réalisée sur un échantillon de 482 chiens a rapporté une prévalence de 22,2 % de surpoids.

Cette progression rapide souligne l’importance de la prévention et d’une alimentation équilibrée pour nos compagnons à quatre pattes, afin de contrer les risques liés à l’obésité, comme les affections articulaires, cardiaques et la diminution de l’espérance de vie. Ces données rappellent l’urgence d’une prise de conscience collective pour préserver la santé et le bien-être des chiens, en s’appuyant sur des choix nutritionnels adaptés et un mode de vie actif.

Mécanismes

Le tissu adipeux, souvent perçu comme une simple réserve de graisse, est en réalité bien plus complexe. Il agit comme un véritable organe hormonal, jouant un rôle clé dans la gestion des lipides (graisses) dans le corps. En plus de stocker l'énergie, il produit et répond à de nombreuses hormones, comme l'insuline ou les hormones thyroïdiennes, qui régulent différents processus métaboliques.

Cependant, lorsque ce tissu adipeux est en excès, les cellules graisseuses (adipocytes) libèrent des substances spécifiques, notamment des adipokines comme la leptine et l'adiponectine, impliquées dans la gestion des graisses et des mécanismes inflammatoires et de la coagulation, causant une inflammation généralisée et chronique dans l’organisme.

L'obésité chez le chien peut prendre deux formes principales : l'obésité hypertrophique et l'obésité hyperplasique. 

  • L’obésité hypertrophique, qui se développe à l'âge adulte, se traduit par une augmentation du volume des adipocytes (cellules graisseuses).
  • L'obésité hyperplasique, observée durant des périodes de croissance et de puberté dans un contexte de suralimentation prolongée, correspond à une augmentation du nombre d’adipocytes. Ce type d’obésité pose un défi particulier, car si le nombre d'adipocytes peut croître, il ne peut jamais diminuer. De plus, ces cellules ne peuvent pas rester "vides", entraînant un effet cliquet qui rend difficile le retour au poids de forme initial, voire une reprise de l’excès pondéral.

En conséquence, l'accumulation excessive de tissu adipeux favorise un état inflammatoire permanent, pouvant être à l’origine de douleurs articulaires et de troubles métaboliques. C’est pourquoi maintenir un poids idéal durant toute la vie du chien et surtout durant sa croissance, est essentiel pour limiter ces effets négatifs et préserver sa santé globale.

Facteurs de risques :

  • Génétique / race : 

Races prédisposées à l’obésité :

Cairn Terrier, Colley, Teckel, Chow-Chow, Cavalier King Charles, Carlin, Rottweiller, Scottish Terrier, Beagle, Terre-Neuve, Cocker Spaniel, Berger Shetland, Basset Hound, Saint-Bernard, Labrador Retriever, Golden Retriever, Bouvier Bernois, Berger Australien

Les chiens de races géantes ont un risque plus élevé d’être en surpoids ou obèses. Cela pourrait être justement à cause de leur taille imposante, la motivation des propriétaire à avoir un très gros chien, ou simplement par ignorance car « c’est normal qu’il soit comme ça, c’est une race géante ».

Les Labradors présentent une prédisposition génétique à l'obésité due à une délétion du gène POMC (pro-opiomélanocortine). Cette mutation génétique a des conséquences importantes sur leur métabolisme, en augmentant leur tendance à développer du tissu adipeux et leur motivation pour l'alimentation. Concrètement, les Labradors porteurs de cette mutation sont davantage enclins à prendre du poids en raison d'un appétit plus marqué et d'une moindre régulation de la satiété.

Cette délétion du gène POMC est particulièrement fréquente chez les Labradors utilisés comme chiens d'assistance, car elle semble avoir été indirectement sélectionnée pour des raisons comportementales : les chiens porteurs de cette mutation montrent en effet une plus grande motivation pour le travail et une réceptivité accrue à la récompense. Toutefois, cette prédisposition peut entraîner des problèmes de poids dès le jeune âge et, dans certains cas, une réforme précoce, car ces chiens nécessitent une gestion stricte de leur alimentation pour éviter le surpoids et les complications de santé qui y sont associées.

De plus, il est possible que la prévalence de surpoids élevée chez certaines races de chiens d’exposition pourrait être influencée par les critères du standard de la race dont certains peuvent porter à confusion. Par exemple, le standard du Labrador Retriever, mentionne que l’aspect général doit être « fortement charpenté » et « la poitrine bien large » pouvant penser l’aspect de leur animal est normal.

Le gène FTO (Fat Mass and Obesity-associated gene)

Rôle dans le métabolisme : Le gène FTO est particulièrement étudié en lien avec l'obésité humaine. Il est impliqué dans la régulation de l'appétit, la consommation d'énergie et la dépense énergétique. Des études ont montré qu'une variante du gène FTO peut favoriser une prise de poids plus rapide en raison d'une gestion inefficace de la masse graisseuse et des signaux de satiété.

Chez les chiens : Bien que la recherche sur ce gène chez les chiens soit moins avancée, des indices suggèrent qu'il peut jouer un rôle similaire dans certaines races prédisposées à l'obésité, comme les Labrador Retrievers, qui sont souvent sujets à une prise de poids excessive.

A l’inverse, certaines races ne sont pas ou peu prédisposées à la surcharge pondérale :

Levrier, Boxer, Dobermann, Berger Allemand, Staffordshire Terrier, Yorkshire Terrier

  • La stérilisation entraîne une modification du métabolisme en réduisant les besoins énergétiques du chien, car la production d'hormones constitue une part de son métabolisme basal. C’est pour cela que les vétérinaires mettent en garde, mais ce n’est pas une fatalité, il suffit simplement d’adapter l’alimentation après la chirurgie.
  • Troubles métaboliques : hyperadrénocorticisme, hypothyroïdie
  • Le propriétaire

Les moyens financiers du propriétaire sont également un facteur pouvant être déterminant dans le choix de l’alimentation de son chien.

Un propriétaire en surpoids ou obèse augmente le risque pour son chien de le devenir également. Cela combine plusieurs causes différentes, comme la dimension culturelle occupée par la nourriture pour l’humain, l’éducation alimentaire... 

La culpabilité ressentie par le propriétaire (par exemple après une absence, ou s’il n’a pas le temps d’accorder un moment de jeu à son compagnon) peut l’amener à vouloir combler cela par la nourriture.

  • Une alimentation inadaptée, qu'il s'agisse du type de nourriture, d'un excès de friandises ou de restes de table donnés régulièrement. La composition de la ration est importante et doit être équilibrée.
Les lipides augmentent l'appétence des aliments sans contribuer à la satiété, tout en ayant une forte densité énergétique, alors que les protéines favorisent la satiété, mais il est souvent plus facile de trouver des aliments riches en lipides que des aliments contenant des protéines animales de bonne qualité. Pour un petit chien, 10 kcal en trop chaque jour conduira progressivement à un excès pondéral. 10 kcal, c’est à peu près 3g de fromage…
  • La sédentarité, un temps balade inférieur à 2h par jour (à adapter selon les capacités, l’état de santé et l’âge du chien).
  • Le stress peut augmenter la prise alimentaire et inhiber l’activité physique. Mais cela peut également augmenter la dépense énergétique, donc ce critère est à voir au cas par cas.
  • L’ennui (manque de stimulations physiques et mentales) : la prise alimentaire peut être augmentée pour combler l’ennui, si l’alimentation est donnée à volonté, car elle est considérée par le chien comme un passe-temps agréable et cela entrainera une prise de poids non négligeable.
  • Lieu de couchage en intérieur

La dépense énergétique est évidemment plus importante chez les chiens dormant à l’extérieur du fait d’une température potentiellement plus faible. Mais cela ne justifie pas de faire dormir son chihuahua obèse dehors. Beaucoup de races actuelles ne sont pas du tout adaptées à dormir à l’extérieur. Donc cet argument est à prendre de manière raisonnée, il s’agit d’un facteur de risque, pas d’un lien de cause à effet inévitable

  • Vivre sans autres animaux ou avec un chat. On peut penser aisément que de vivre avec au moins un congénère augmente le nombre d’interactions quotidiennes et donc la dépense énergétique journalière.
  • Les femelles auraient une tendance à être plus facilement en surpoids, mais cela reste à approfondir avec d’autres études pour le confirmer.
  • Le vermifugation une fois par an ou inexistante est un facteur de risque de surpoids. Il reste encore à déterminer si cela est dû à une meilleure santé du tube digestif, ou si les chiens vermifugés plus souvent bénéficient également d’un meilleur suivi vétérinaire.
  • Avoir un jardin n’a pas d’influence sur la variation de poids du chien. Cela permet, une fois de plus, de confirmer que non, il n’est pas nécessaire d’avoir un jardin pour avoir un chien.

Conséquences

Au-delà de son impact esthétique, l’obésité représente une véritable menace pour le bien-être et surtout pour la santé des chiens. Elle est associée à de nombreuses complications, que nous allons détailler dans un prochain article, entraînant une diminution significative de l’espérance de vie.

Sources :

Blanchard, G. (2020). L'alimentation des chiens (2e éd.). France Agricole

Charcosset, M. (2017). Prévalence et facteurs de risque de surpoids dans une population de jeunes chiens entiers de race pure. Thèse Doct Vet. Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, 82p 

Colliard, L., Ancel, J., Benet, J.-J., Paragon, B.-M., Blanchard, G. (2006). Risk Factors for Obesity in Dogs in France. J. Nutr. 136, 1951S-1954S 

Declercq R., Prévalence et facteurs de risque de surpoids chez le chien, étude épidémiologique. Médecine vétérinaire et santé animale. 2019. dumas-04537550 

Dehasse, J. (2016). La stérilisation : pour ou contre.

German, A.J. (2006). The Growing Problem of Obesity in Dogs and Cats. J. Nutr. 136, 1940S-1946S. 

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